Performance contractuelle : qui est responsable ?

25 février 2015 - Auteur : Franck César

Performance contractuelle : qui est responsable?

Le contrat est au cœur de la relation entre les entreprises. Qu’il régisse les rapports avec des clients, des fournisseurs, ou des partenaires, le contrat fixe en amont les engagements réciproques, les règles du jeu et des garde-fous, notamment dans l’hypothèse où les rapports commerciaux s’enveniment. La phase d’exécution des contrats est le temps de tous les dangers.

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Toutefois, malgré son rôle central au sein des organisations, la gouvernance du contrat reste le plus souvent confuse, ambiguë, voire défaillante, faute d’« ownership » de la relation contractuelle, dans sa globalité.

L’exécution des contrats : un enjeu de performance

S’il est non seulement bien négocié (au regard des rapports de force entre les acteurs) mais également bien réalisé en phase opérationnelle, le contrat constitue un puissant levier, en ce qu’il offre une assurance raisonnable d’atteindre des résultats futurs, notamment de chiffre d’affaires et de marge.

A l’inverse, le contrat peut constituer une source de perte de valeur pour l’actionnaire. Les exemples sont nombreux d’entreprises dont la performance opérationnelle a trébuché sous l’effet de pertes liées à des contrats mal dimensionnés ou insuffisamment pilotés.

On peut citer l’un des dérapages contractuels les plus connus, à savoir le contrat de développement du programme A400M où les surcoûts se sont chiffrés en milliards d’Euros pour l’industriel (et pour ses clients !). Le contrat, pourtant souscrit à l’aune du principe de la liberté contractuelle, peut se muer – parfois très rapidement d’ailleurs – en piège pour l’entreprise, devenue prisonnière de ses propres engagements.

L’exécution des contrats : un enjeu de gouvernance

Face à de telles implications stratégiques et financières, il peut sembler étonnant que le contrat ne soit, le plus souvent, pas formellement placé sous la responsabilité d’un acteur unique au sein de l’entreprise, qui en serait le garant depuis sa formation jusqu’à sa clôture.

Façonné par des équipes pluridisciplinaires (techniques, commerciales, juridiques et financières), le contrat n’est pleinement sous la responsabilité, ni des acheteurs en charge de sa négociation, ni des juristes impliqués dans sa rédaction, ni des équipes opérationnelles responsables de son application.

Le contrat fait ainsi figure d’orphelin, tiraillé entre plusieurs destins :

– Rester dans le giron des juristes ? Un choix logique de prime abord, ceux-ci étant in fine chargés de garantir l’interprétation du contrat, ou d’en sécuriser les conditions de résiliation, le cas échéant par voie judiciaire, lorsqu’un différend naît entre les parties et ne débouche pas sur une solution négociée… Mais quid de cette grande majorité de contrats qui ne donneront lieu, fort heureusement pour le climat des affaires, à aucune action judiciaire, et qu’il convient toutefois de gérer au mieux des intérêts de l’entreprise ?

– Confier la responsabilité de l’exécution des contrats aux commerciaux (ou aux acheteurs) qui en ont assuré la négociation ? Une négociation chassant l’autre, ceux-ci sont souvent trop occupés à conclure de nouvelles affaires pour s’attarder sur les contrats en cours, et sur les arcanes de la phase d’exécution qui nécessite des équipes dédiées et des profils plus techniques…

– Les opérationnels en charge de leur exécution ? Après tout, il semblerait légitime de confier la responsabilité du contrat aux hommes de l’art, en charge de réaliser les prestations convenues tout au long de la vie du contrat. Toutefois, cette situation revient à faire porter sur des équipes opérationnelles, focalisées sur la satisfaction du client et la maîtrise du triptyque coûts / qualité / délais, la responsabilité de piloter le niveau acceptable de risque contractuel… au risque qu’ils perdent leur objectivité face aux risques réels encourus.

L’exposition du Project Manager

Face à cette situation de gouvernance imparfaite, où aucun acteur ne se dégage de manière naturelle pour porter, à lui-seul, l’entièreté de la responsabilité de l’exécution du contrat, c’est le plus souvent le Project Manager qui se trouve mis – de facto – en situation.

C’est actuellement le modèle le plus commun : le Project Manager, qu’il ait ou non contribué en amont à la négociation et la signature du contrat, se retrouve propulsé (parfois sans mandat exprès !) dans un rôle de garant de son exécution, dans les objectifs de marge fixés.

Au nom du principe d’unicité de la responsabilité, qui serait le gage d’une saine gouvernance, le Project Manager est alors lié au contrat « à la vie et à la mort », ce qui n’est pas sans risque pour l’intéressé, comme pour l’entreprise. Quel Project Manager ne s’est pas retrouvé à devoir exécuter un contrat mal négocié en amont, peu opérant sur le plan des dispositions contractuelles, ou tout simplement incomplet ? De même, quelle entreprise ne s’est pas retrouvée dans une situation de perte de confiance vis-à-vis d’un Project Manager, sans avoir les moyens objectifs de juger des risques contractuels encourus ?

Un métier nouveau : le Contract Manager
Dans ce contexte, nous assistons ces dernières années à l’émergence d’une fonction nouvelle : le Contract Manager.

Cette fonction, désormais intégrée dans les principaux référentiels de métiers (Syntec Ingénierie, CIGREF, etc.) y est définie en termes de maîtrise des risques financiers et juridiques supportés par l’entreprise dans le cadre de la relation contractuelle.

Le Contract manager se voit ainsi confier la mission de « rendre compte » de l’exécution contractuelle, normalement de manière autonome et indépendante par rapport au Project Manager, gage d’une meilleure gouvernance.

Créer une fonction de Contract Manager n’entrave pas pour autant la responsabilité du Project Manager dans l’exécution contractuelle, mais permet à l’entreprise de bénéficier d’une prise de recul et d’une expertise du traitement des sujets contractuels (avenants, réclamations, litiges éventuels…), notamment en phase d’exécution.

Gageons que la généralisation de ce métier nouveau, réservé à des profils plutôt « seniors », permettra d’introduire une meilleure ségrégation des responsabilités et une complémentarité d’expertises au service de la performance globale de l’entreprise.
Article publié sur le site les Echos, le 9 décembre 2013 (lien ici)

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