Qu’est-ce que la satisfaction client et comment la mesurer ?

05 avril 2016 - Auteur : Laetitia Vitaud

Chaque entreprise prétend faire de la “satisfaction client” sa priorité. Il est peu de managers ou de marketers qui n’affirment pas que cette satisfaction est essentielle à la croissance de leur entreprise. Les géants du numérique, en particulier, comme Apple, Facebook ou Amazon, ont élevé les attentes des consommateurs grâce au design parfait de leurs applications ; ils les ont habitués à être “satisfaits” en toutes circonstances. Du coup, les entreprises traditionnelles qui ne remplissent pas ces attentes sont menacées — d’autant plus à mesure que tombent les barrières les protégeant encore des nouveaux entrants.

Pourtant, le concept de satisfaction client reste flou et n’est souvent qu’une affirmation creuse, prononcée pour “faire bien”. La définir précisément est une autre histoire : le plus important, si l’on veut chercher à l’améliorer, est de définir les indicateurs de performance pour la mesurer. Comment savoir si les choses vont bien et ce qu’on doit faire pour les changer si l’on ne sait pas les mesurer ?

En matière de satisfaction client, on s’est longtemps contenté des chiffres de ventes

Quoi de plus simple et de plus pertinent, pour s’assurer de la satisfaction des clients, que de suivre l’évolution du volume d’affaires ? Si une marque ou un produit satisfait ses clients, les chiffres des ventes ne mentent pas. On achète ce qui nous satisfait. Et puis, in fine, la bottom line est la raison d’être de l’entreprise !

Malheureusement, à l’ère des données abondantes et de la data science, cet indicateur est trop pauvre : il ne permet ni de prédire ni d’influencer l’avenir. Le succès peut être dû à une mode passagère (fad), dont les ventes ne sont qu’un feu de paille. Les clients peuvent être insatisfaits : ils ont acheté parce qu’ils n’avaient pas le choix, par exemple parce qu’ils sont captifs dans une situation de monopole ou d’oligopole. A la fin des années 1990, les ventes de Microsoft étaient spectaculaires. Pour autant, les clients de Microsoft n’en étaient pas vraiment satisfaits : ils étaient prisonniers d’un monopole rendu d’autant plus fort par les effets de réseau induits. Microsoft aurait eu tort de croire, au vu de son chiffre d’affaires, à la satisfaction de ses utilisateurs.

Une clientèle peut être rendue captive par des barrières à la sortie. Dans le secteur de l’assurance,  jusqu’à la loi “Hamon” de 2014, le fait de ne pouvoir résilier son contrat d’assurance qu’à date fixe rendait la clientèle captive. Les contrats de téléphonie mobile, eux aussi, emprisonnent les clients, parfois pendant plusieurs années, dans des contrats obtenus grâce à l’appât de téléphones dernier cri — que les clients paieront en réalité 30 fois sur plusieurs années d’abonnement ! La tacite reconduction de ces contrats constitue la principale barrière protégeant ces entreprises. La réglementation peut jouer un rôle critique pour inciter les entreprises à retenir les clients avec des produits de qualité, plutôt qu’avec des barrières à la sortie.

Il en va de même dans le secteur bancaire. Le fait qu’un client soit, en apparence, fidèle à sa banque pendant des décennies ne signifie pas qu’il est satisfait – au contraire, comme le montre cet article, les banques font partie des entreprises les plus détestées par leurs clients. Cette situation paradoxale s’explique par le fait que les banques ont, avec la bénédiction des pouvoirs publics, érigé des barrières à la sortie suffisamment fortes pour dissuader leurs clients d’aller voir ailleurs. Fermer un compte en banque reste une épreuve fastidieuse ; en ouvrir un autre, une deuxième épreuve souvent plus fastidieuse encore, que l’on appréhende à l’avance. De nombreux clients pensent en outre, peut-être à tort, que les banques sont “toutes les mêmes”. Ils sont trop désabusés pour imaginer fermer leur compte. L’inertie et la résignation finissent par l’emporter et font disparaître les signes de l’insatisfaction des clients. L’entreprise est ainsi désensibilisée et ne peut plus mesurer ce que ressentent ses clients à son égard.

La mesure de la satisfaction client par le taux d’attrition (le churn) ne constitue pas non plus un indicateur pertinent

Dans la plupart des cas, la “loyauté” des clients n’est pas directement corrélée à l’attrition (les clients qui partent pour embrasser la concurrence). L’attrition est avant tout déterminée par les barrières à la sortie, réglementaires ou commerciales, érigées pour empêcher que les clients n’aillent voir ailleurs : en présence de barrières à la sortie, la loyauté des clients joue un rôle marginal dans l’évolution de cet indicateur.

Ces barrières à la sortie ne sont pas en soi toujours néfastes pour le consommateur. Dans l’assurance, par exemple, elles ont, jusqu’à la loi “Hamon”, permis des tarifs plus bas qu’en Grande-Bretagne, où les contrats peuvent être résiliés à tout moment et où aucune tacite reconduction n’est possible. Le churn plus faible des compagnies françaises a longtemps induit des coûts commerciaux plus faibles et permis de facturer aux clients des primes moins élevées.

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Les entreprises sont conscientes de cette situation : elles savent que le taux d’attrition et le taux de rétention sont des indicateurs imparfaits pour mesurer la satisfaction de leurs clients. C’est la raison pour laquelle elles confient à leur département marketing (ou à des prestataires) le soin d’affiner la mesure de la satisfaction à l’aide d’études fondées sur la soumission de questionnaires.

La plupart des questionnaires “satisfaction” sont mal conçus et peu utiles

Les questionnaires satisfaction, malheureusement, sont souvent peu exploitables. Leurs résultats sont profus, complexes, nuancés. Les informations qu’ils permettent de collecter sont incomplètes. Le remplissage de questionnaires trop longs décourage certains clients : l’échantillon de réponses est donc petit et peu représentatif. Les données issues des questionnaires étant difficiles à structurer, elles sont peu “actionnables” et, du coup, négligées par les dirigeants de l’entreprise. Quand les données sont correctement collectées et structurées, elles sont le plus souvent jugées non pertinentes car non corrélées aux résultats d’exploitation, beaucoup plus univoques et faciles à mesurer. Enfin, ces questionnaires sont moins pris au sérieux car ils ont parfois fait l’objet d’ententes entre commerciaux et clients : par exemple, chez les concessionnaires automobiles, les clients promettent parfois à leur commercial de remplir de manière positive un questionnaire en échange d’une réduction sur le prix de la voiture.

Les questionnaires simples et courts sont souvent les plus efficaces. Ils sont remplis par un échantillon plus large de personnes et les données peuvent être exploitées efficacement. Par exemple, dans les années 2000, le PDG de Rent-A-Car, Andy Taylor, a mis au point avec son équipe un questionnaire simplifié pour mesurer la satisfaction de ses clients. Chaque mois ces derniers sont sondés avec un questionnaire rapide composé de seulement deux questions : la première concerne leur expérience de location ; la seconde, la probabilité qu’ils réutilisent le service. Parce que le questionnaire était très simple, il a pu être exploité très rapidement. Les résultats structurés sur les 5 000 agences américaines ont abouti aux classement des agences les plus performantes.

Contre toute attente, le classement des agences a été fait en ne tenant compte que des clients “très satisfaits”. Pourquoi négliger les autres, pourtant nécessaires aux affaires ? Est-ce qu’un système plus complexe n’aurait pas été préférable ? Non, explique Taylor : il s’agit justement de se concentrer sur les clients les plus fidèles, sur qui repose la croissance future de l’entreprise. Ce sont les plus satisfaits qui non seulement reviendront, mais aussi recommanderont le service à leurs proches et en deviendront les ambassadeurs : ils prendront ainsi à leur charge une partie de l’effort de marketing de l’entreprise.

Peut-on se contenter d’une seule question pertinente ?

Si oui, quelle est la question qui permet de collecter des données fiables sur les consommateurs les plus enthousiastes et loyaux ? Dans un (déjà ancien) article de la Harvard Business Review, Frederick Reichheld a relaté ses travaux sur le sujet : il a étudié les données des questionnaires de satisfaction client de multiples entreprises, a comparé les réponses aux attitudes réelles des clients (achat et rétention) et aux chiffres de croissance de l’entreprise. Il a découvert qu’une question reflétait plus particulièrement la satisfaction du client : celle concernant la probabilité que celui-ci recommande le produit ou service à quelqu’un d’autre.

La question, à laquelle le consommateur répond par une note de 1 à 10, est facilement exploitable et compréhensible, même par des observateurs extérieurs (investisseurs, médias, etc.). On peut diviser les clients en trois catégories : les “promoteurs” (note de 9 ou 10), les “satisfaits passifs” (note de 7 ou 8) et les “détracteurs” (note de 0 à 6) ; ensuite, l’entreprise peut concentrer ses efforts sur les “promoteurs”. Le ratio promoteurs / détracteurs est directement corrélé à la croissance de l’entreprise. Selon Reichheld, il représente l’indicateur le plus pertinent pour prédire la croissance de l’entreprise à long terme.

Se baser sur ces indicateurs qui reflètent le mieux la satisfaction des clients est un enjeu critique. Il est plus important de rendre ses clients loyaux grâce à un produit et un service parfait que de chercher à tout prix à en acquérir de nouveaux sans chercher à les fidéliser. Une entreprise comme AOL, qui a agressivement cherché à acquérir des nouveaux clients dans les années 2000 a fait les frais du choix du mauvais indicateur : en 2003, l’entreprise perdait plus de 200 000 clients par mois. Une mauvaise réputation, causée par du bouche-à-oreille négatif, cause des dommages parfois irréparables.

En d’autres termes, les clients prosélytes sont l’un des plus puissants moteurs de croissance pour une entreprise. Le client loyal consomme parfois moins, notamment si les circonstances de sa vie rendent la consommation du bien ou service moins nécessaire, mais il recommande toujours l’entreprise à ses proches. Et pour une entreprise, cette loyauté est payante. Les coûts d’acquisition sont réduits. Les clients achètent plus et plus longtemps. Ils parlent du bien ou du service à leurs amis, leur famille et leurs collègues. Ils en parlent à un cercle d’autant plus large qu’ils sont de plus en plus utilisateurs des applications de social networking, comme Facebook. La recommandation reflète la loyauté du client car elle représente une sorte de “sacrifice” pour celui qui la fait. Quand vous recommandez quelque chose, c’est votre propre réputation que vous mettez en jeu : il faut donc y croire ! Le succès ultime arrive quand les clients remplacent complètement le département marketing. Les entreprises prendront-elles le risque d’abaisser les barrières à la sortie si elles apprennent à mieux mesurer la satisfaction de leurs clients ?

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