Guacamol ou les promesses de la LegalTech française

10 février 2016 - Auteur : Laetitia Vitaud

Les start-ups de la “FinTech” bouleversent le secteur bancaire et la finance en général ; celles de la “MedTech” transforment l’offre de soins. Depuis peu, on commence aussi à parler des start-ups de la “LegalTech”, qui attaquent de front les pratiques et le marché des services juridiques.

 

En France, les « LegalTech Startups » sont loin d’être aussi développées qu’aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Pourtant, la France a donné naissance à quelques start-ups innovantes et prometteuses en la matière. C’est tout particulièrement le cas dans les services aux entreprises. Guacamol, fondée en 2015, propose aux entrepreneurs l’immatriculation facile et rapide de leur entreprise (et à terme toute une palette de services juridiques intégrés) ; PayFit propose une application qui permet à n’importe quel patron de PME de faire ses fiches de paie sans avoir à se plonger dans les arcanes du droit social ; Fred de la Compta offre des services d’expertise comptable entièrement dématérialisés.

Non seulement ces start-ups “LegalTech” poussent plus loin l’automatisation de services qualifiés et coûteux qu’on ne pensait pas automatisables il y a encore quelques années ; mais elles vont également accélérer et faciliter la création de nouvelles entreprises en France. C’est parce qu’il y a “douleur administrative” qu’il y a ici opportunité commerciale : la valeur de services qui permettent de faire l’économie de multiples démarches administratives est d’autant plus importante que ces démarches sont pénibles dans notre pays.

La “LegalTech” s’est développée assez tardivement dans l’histoire de l’économie numérique

Le secteur juridique est conservateur et refermé sur lui-même. On s’y est longtemps cru protégé par la haute qualification de ceux qui y travaillent. Le modèle d’affaire des cabinets d’avocats, qui repose sur le nombre d’heures facturées, est radicalement incompatible avec toute innovation qui conduirait à une baisse du nombre d’heures facturées. C’est pourquoi la première génération de start-ups “LegalTech” propose surtout des logiciels qui permettent aux avocats de mieux se libérer des tâches de gestion non facturées aux clients, comme le stockage des documents, la facturation ou la comptabilité.

Les start-ups de la seconde génération opèrent des marketplaces qui mettent directement en relation des avocats et leurs clients, ce qui augmente la concurrence et la transparence sur le marché. Naturellement, les cabinets peuvent les voir comme des menaces pour leur modèle. La plateforme qui illustre cette génération de la “LegalTech” est Rocket Lawyer, fondée en 2009 aux Etats-Unis. En France, aucune start-up ne ressemble, même de loin, à Rocket Lawyer – même si l’on peut citer Lawcracy, une petite start-up fondée en 2013 qui opère une plateforme de mise en relation avocats-clients et met en ligne des réponses juridiques en libre accès. D’autres plateformes en revanche ne s’adressent qu’aux avocats eux-mêmes et sont des sortes de forums de “confrères”, comme Hub Avocat.

 

Les nouvelles start-ups de la LegalTech sont susceptibles de bouleverser le secteur juridique B2B

L’automatisation est poussée plus loin avec des services totalement intégrés, comme l’immatriculation “clé en main” de votre société proposée par la start-up Guacamol, qui offre d’intégrer les différentes étapes de la création d’une entreprise. Bientôt, elle complétera son offre avec un “package” juridique pour embaucher son premier salarié, etc. Fondée par une avocate, Sabine Zylberbogen, et un ingénieur, François Fort, Guacamol a l’ambition d’offrir à terme l’ensemble des services nécessaires à une entreprise, pour moins cher et de manière simplifiée à l’extrême. Au demeurant, il ne s’agit pas seulement d’automatiser et de “commoditiser” les services juridiques : l’ambition de Guacamol est de mettre le client et ses besoins au coeur du système, ce qui guide sa stratégie en matière de design et de pricing. Il importe peu au client de savoir si le service est automatisé, du moment qu’il est accessible et simple…

Les nouvelles questions posées par la LegalTech vont également bouleverser la sécurité et l’authentification des documents légaux. La blockchain, par exemple, ne manquera pas d’être utilisée par des start-ups de LegalTech. Un article récent de l’Usine Digitale mentionne le fait qu’un pays, le Honduras, souhaite désormais utiliser le registre décentralisé qu’est la blockchain pour y inscrire l’achat et la vente de terrains dans le pays, créant ainsi un cadastre décentralisé. Hubert de Vauplane, auteur d’un rapport sur la blockchain dans les Fintech, s’interroge néanmoins : “une information de propriété inscrite sur ce grand livre partagé en réseau vaut-elle effectivement propriété de droit ?”. Les nouveaux usages remettent profondément en cause les procédés légaux à l’oeuvre aujourd’hui en matière d’authentification, tant ces derniers semblent en décalage avec nos exigences modernes d’expérience client parfaite.

Les start-ups françaises de la Legal Tech sont en position de conquérir l’Europe avec des services intégrés, bien conçus et particulièrement innovants. Parce qu’ils permettent de faire l’économie de démarches souvent pénibles (démarches qui sont également douloureuses en Espagne ou en Italie, par exemples), ces services offrent une immense valeur ajoutée. Crééer sa société ou éditer sa fiche de paie peut se faire en quelques clics et chaque entrepreneur peut se concentrer davantage sur ses propres affaires. Parce que la transformation numérique a rendu particuliers et entreprises encore plus habitués à un design parfait, nous sommes tous devenus des “phobiques administratifs” : cette phobie, qui nous gâche la vie, est l’opportunité que cherchent à saisir les startups « LegalTech ».

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