Ces applications qui changent votre vie : comment croître sans investisseurs

21 décembre 2015 - Auteur : Laetitia Vitaud

comment croître sans fonds d’investissement

Forme et bien-être n’échappent pas à la transposition dans l’univers numérique de l’ensemble des pratiques de consommation. Se remettre en forme, pratiquer son sport favori ou encore se relaxer sont maintenant tout autant à portée de smartphone que de réserver un restaurant ou de visionner une émission en Replay.

Cette évolution s’inscrit dans deux tendances de fond. Evidemment, celle de la digitalisation de notre environnement, mais aussi celle de la quête de santé portée par les désirs de bien-être, de forme et de « naturalité » au quotidien.

Des start-ups ont trouvé une terre fertile sur ce vaste territoire laissé en friche par les acteurs du marché, en répondant aux besoins de flexibilité (« où je veux, quand je veux ») et d’accessibilité des utilisateurs (abonnements n’excédant pas 5 à 10€ par mois). De plus, la couverture géographique de l’ensemble des territoires par le web offre une scalabilité incomparable face au maillage des acteurs historiques dont l’envergure est au mieux nationale.

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Un coach personnel dans la poche

Depuis quelques années, le paysage du fitness se transforme, non seulement avec l’augmentation d’offres de plus en plus spécialisées (aquabiking, functional training, boxe loisir, yoga, etc.), premium et à l’opposé low cost, mais aussi grâce à des acteurs alternatifs qui prennent à contrepied les business models établis.

Fer de lance du fitness digitalisé, Freeletics déferle sur les rues et les parcs en inondant les smartphones depuis 2013. D’origine allemande, Freeletics propose, au travers de son application de coaching sportif, un service de remise en forme basé sur la haute intensité et des mouvements fonctionnels. Un algorithme de coaching fournit un plan d’entraînement ainsi que des conseils nutritionnels personnalisés, mais sa véritable force repose sur la création d’une communauté d’utilisateurs. Une émulation collective prend forme grâce aux réseaux sociaux classiques et à celui propre à l’application. Comme sur Facebook, les utilisateurs entretiennent leur motivation en partageant activité et performance et en formant des communautés locales pour s’entraîner ensemble. « Freeletics Paris » forme la plus importante communauté avec plus de 11 000 membres.

Au global, la communauté Freeletics fédère plus de 6 millions d’utilisateurs, dont 12 000 nouveaux chaque jour, sur plus de 160 pays. Le chiffre d’affaires (CA non communiqué) est estimé à 7 chiffres chaque mois avec une croissance mensuelle de 30% en 2014. Un véritable tour de force quand on sait que l’entreprise n’a fait appel ni aux banques ni aux fonds d’investissement.

Les 3 fondateurs, qui détiennent 100% des parts, ont financé leur croissance grâce à la trésorerie générée par Freeletics. Ceci depuis leur début avec l’édition de guides d’entraînement au format numérique avant même la création officielle de la société. Le business model fonctionne aujourd’hui sur une logique de freemium, en donnant un accès gratuit à un contenu basique restreint à une série d’entraînements, afin d’amener l’utilisateur convaincu à s’inscrire à la version premium pour un coût variant de 7 à 12€ par mois.

 

La sérénité à emporter

Le site App Annie, spécialisé dans l’analyse du marché des applications, recense plus de 2000 applications de méditation, soit presque autant que d’applications dédiées au sport.

Headspace propose grâce à son application d’apprendre la méditation de façon progressive et de répondre par la méditation à des besoins plus spécifiques via des « cours » thématiques tels que la gestion du stress, la concentration ou le bonheur. L’accès aux 10 premiers niveaux est gratuit, puis un abonnement devient nécessaire pour accéder aux niveaux suivants de l’offre premium.

 

L’aventure commence à Londres en 2007 avec la rencontre des 2 co-fondateurs dans une clinique de soins contre le stress où l’un, ancien moine bouddhiste, enseigne la méditation et l’autre, professionnel du marketing, se remet d’un burn-out. Souhaitant diffuser la pratique au plus grand nombre, avec l’ambition d’améliorer le bien-être des individus dans leur vie privée et professionnelle, ils apportent chacun leurs compétences. Pour le premier la communication et le marketing, pour le second l’expertise de la méditation. Les premiers pas prennent la forme de sessions mensuelles de 8 heures de cours pour 300 participants à 320€ la place. Puis ils reçoivent des demandes de contenu « à emporter » pour plusieurs jours, ainsi que des demandes venant d’autres villes de personnes ne pouvant se déplacer. Les premiers podcasts d’une dizaine de cours sont alors commercialisés autour de 13€. Le succès de ces premiers enregistrements pousse les fondateurs, de ce qui va devenir Headspace, à produire de nouveaux enregistrements audio, mais aussi vidéo.

La start-up voit le jour en 2010 avec une première version de l’application en 2012. Une seconde version de la plateforme est lancée en 2014 permettant de faire affluer en 6 mois 2 fois plus d’utilisateurs que durant les 2 années précédentes, ce qui représente 125 millions de minutes de méditation. Dès 2011 la compagnie aérienne Virgin Atlantic met déjà à disposition de ses voyageurs une chaîne Headspace. En 2014 un nouveau partenariat avec la chaine hôtelière Westin permet de fournir le service aux hôtes.

La pratique de la méditation commence à gagner non seulement les particuliers, mais aussi les institutions comme l’armée américaine qui enregistre des taux record de suicides ou les entreprises comme Google pour améliorer la concentration et le niveau de stress des employés. Preuve de l’existence d’une réelle demande, Headspace est également en réflexion avec l’université d’Harvard pour intégrer l’application au package des nouveaux étudiants. L’application a même été utilisée comme support de recherche afin de démontrer l’effet positif de la méditation sur de nombreux critères de santé.

Aujourd’hui, la start-up touche plus de 3 millions d’utilisateurs actifs (utilisation minimum : 1 fois par mois) sur plus de 150 pays. La France représente le 4ème marché de l’application bien que le contenu soit totalement anglophone. A titre de comparaison un homologue français, Petit Bambou, lancée en 2015 compte 90 000 utilisateurs.

Le business model d’Headspace est à l’image de celui de Freeletics : une offre freemium nécessaire à l’acquisition et à la fidélisation client et une offre premium accessible, comparativement aux tarifs du commerce non digital, de 5 à 10€ par mois. La start-up a attiré plus d’une cinquantaine de fonds de capital investment et se voit valorisée entre 40 et 60 millions de dollars. Les fondateurs d’Headspace n’ont pour le moment accepté aucune offre, mais restent dans une logique de développement et ont déménagé leur quartier général de Londres vers Los Angeles en 2014, avec l’ambition, peut-être utopique, d’atteindre 100 millions d’utilisateurs au regard de l’explosion de la pratique du yoga.

Ces modèles freemium présentent des facteurs communs qui agissent comme des catalyseurs de croissance :

  • Une phase de développement produit pragmatique « test and learn » (essai – erreur) qui repose sur une constante interaction, voire co-développement, avec clients et prospects,
  • Un réinvestissement constant des bénéfices, initialement issus de produits basiques, dans l’innovation et le développement,
  • L’élaboration d’un contenu gratuit à forte valeur perçue,
  • L’élaboration d’un contenu payant bien distinct avec une proposition de valeur claire et attractive par rapport au contenu gratuit,
  • Un potentiel marché d’envergure avec le segment des particuliers,
  • Une innovation continue par la R&D,
  • Un coût marginal faible : ces applications sont basées sur des algorithmes informatiques. Le coût marginal est proche de zéro contrairement à d’autres activités telles que le stockage en cloud,
  • La construction d’une stratégie de marketing viral low cost, reposant sur les réseaux sociaux et la prescription des utilisateurs.

Ces start-up digitales répondent à de nombreux critères fixés par les fonds d’investissement : charges faibles, croissance exponentielle, chiffre d’affaires récurrent, potentiel marché important, disruption, etc. Mais leur réussite insolente repose sur des modèles d’entreprise frugale à faible intensité capitalistique.

Pour s’associer au succès de ces entrepreneurs, les fonds d’investissement doivent désormais démontrer un véritable engagement dans leurs ambitions sociétales, avant même les ambitions économiques.

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