Comment Quechua a-t-elle séduit toute une génération ?

12 octobre 2015 - Auteur : Laetitia Vitaud

« De quoi rêvez-vous ? », l’un d’eux me répond : d’une tente qui se monte toute seule ! Et il a joint le geste à la parole : « pfuitt ! » se souvient Jean-François Ratael, chef de produit Décathlon en 2003. Il faudra un an à son équipe pour inventer – quoi de plus magique – une tente qui se monte en deux secondes… Si aujourd’hui les marques comme Quechua, Kalenji ou Tribor sont devenues des références de l’équipement sportif, cela n’a pas toujours été le cas. Qui aurait cru il y a 20 ans que les marques « passions » comme on les appelle chez Décathlon allaient un jour rivaliser avec les plus grandes ?

Retour sur un parcours « A fond la forme ! »

Le premier magasin Décathlon ouvre à Englos, près de Lille en 1976. Il vise initialement à rassembler au sein d’un seul espace des marques de sports – Nike, Adidas, Reebok, etc. – et propose en complément une série de produits d’entrée de gamme. Les premiers produits signés Décathlon seront lancés en 1986.

Dix ans plus tard apparaissent les premières marques « passions » : Tribord pour les sports aquatiques, Quechua pour la montagne, puis, à partir de 2008, Domyos pour le fitness, Kipsta pour les sports collectifs, Geologic pour la chasse et la pêche, Inesis pour le golf, ou encore Artengo pour le tennis… Filet de ping-pong à poser n’importe où, vélo pliable ou buts de football portatifs… les équipes de R&D sont fortement mobilisées pour être inventives et proposer des produits à la fois inédits et bon marché.

Dans les années 2000, Décathlon devient la marque sportive phare des français et les chiffres de l’époque sont parlants : 275 magasins dont 75 à l’étranger, 2,52 Milliards d’euros de chiffre d’affaires et un effectif monde de 18 500 personnes. Selon une étude IFOP[1] de la même année, 60% des Français déclaraient s’être rendus dans un magasin Décathlon, faisant entrer la marque dans le palmarès des leurs enseignes préférées. Décathlon est pourtant à cette époque en perte de vitesse. Généralisation du sportswear, création de rayons d’équipements dans les hypermarchés, apparition du web et nouvelles pratiques d’achats… font que Décathlon doit renforcer, non pas sa notoriété auprès du public, mais sa place et son métier de spécialiste du sport.

C’est l’époque où des campagnes publicitaires ludiques et décalées font leur apparition sur nos écrans. « Aéroport » ou « Mission Test », les produits sont mis à l’épreuve à l’image du sac de couchage Quechua, qui « protège tellement du froid qu’on peut dormir sous une épaisse couche de neige sans s’en rendre compte! ». A titre de comparaison, en 2011, Décathlon investissait presque autant qu’Ikea dans la publicité : 94 millions d’euros (+34%)

Et maintenant ?

La tendance est aujourd’hui à la montée en gamme des produits de la maison. En revanche, difficile de toucher les experts, plus méfiants et regardants vis-à-vis de la qualité des produits. Ces derniers ont pour habitude de se rendre dans des magasins spécialisés pour acheter des articles – certes plus coûteux – mais faits pour durer et résister à des conditions plus extrêmes. Pour conquérir les passionnés de montagne, l’enseigne a, par exemple, lancé le blog – magazine « Hiking on the moon »; animé directement par les équipes de la marque Quechua. De l’Afrique à l’Arctique en passant par les plus hauts sommets, il met en scène amateurs et professionnels de randonnée au cœur de paysages à couper le souffle… équipés de matériel Quechua !

 

Personnalisation, coaching sportif, troc ou plateforme d’innovation, le groupe développe en parallèle de nombreux services à la personne et surfe sur les nouvelles tendances qui ont fait le succès de bien d’autres. Retour sur quelques formules payantes :

  • La personnalisation: maillot de basket ou tapis de selle, particuliers ou professionnels, l’Atelier Décathlon propose de broder ou marquer les articles de sport.
  • Le coaching en ligne: Kalenji a lancé son site de running qui, selon la distance souhaitée, le niveau de motivation ou encore la température, offre des conseils pour bien courir et apprendre à gérer l’effort.
  • Le troc et la récup’: vendre et acheter du matériel d’occasion est devenu possible sur le site Trocathlon, concurrent direct du Boncoin ou d’Ebay.
  • Le crowdsourcing : la plateforme Décathlon Création permet aux internautes de trouver et partager des idées en ligne. Des parcours de courses à pieds aux appels à projets, le site regorge de bonnes idées qui n’attendent qu’à être développées. Certaines alimenteront peut-être les équipes de R&D à l’image d’« Alerte Cavalier » où les afficionados sont invités à inventer les spécifications et le design des futurs produits d’équitation.

 

Que reste-t-il aux challengers de l’univers sportif ?

Quelle stratégie adopter lorsque l’on s’appelle Go Sport, Courir, InterSport ou Sport 2000 ? Renforcer la création des marques distributeurs ? Développer la présence des grandes enseignes ? Tenter de réconcilier les deux ?

« La MDD n’est pas faite pour nous, dans le sens où l’on ne pourra rien apporter de plus par rapport à la concurrence (…) d’où notre volonté de nous concentrer sur une stratégie 100% tournée vers les marques, avec un rôle de sélectionneur. » expliquait Yannick Morat, président de Sport 2000 en 2013. Il a fait le choix de laisser le grand nombre s’équiper chez Décathlon et récupérer les consommateurs férus de marques. Pari difficile sachant qu’elles développent aussi leurs propres magasins ainsi qu’un univers axé sur le sport à l’image de Nike ou Adidas.

A contrario, Intersport affiche sur l’année 2014 de beaux résultats (CA 2014 – 1,6 milliards d’euros – +6%) avec la création de 35 magasins, la multiplication d’opérations promotionnelles et le développement de marques propres. L’enseigne poursuit sa lancée sur l’année 2015 avec l’ouverture prévue de 25 magasins, le rachat d’une entité spécialisée sur la location de vélos et le renforcement de son positionnement de leader en location de skis sur Internet. Il faudra attendre 2016 par contre, pour que le « click and collect » arrive en magasin. Les ambitions de Jacky Rihouet sont fortes, puisqu’il vise la barre des 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires à l’horizon 2020, ce qui représenterait un doublement de l’activité en dix ans.

 

Les mois à venir nous diront si ces entreprises tiendront leurs promesses. En attendant, elles ne manqueront certainement pas de nous surprendre à l’image de « Wave », la nouvelle campagne de Décathlon sur le lancement d’une boisson on ne peut plus… inédite !

[1] Ibid

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